Re: Le futur de la langue française [Was: Re: [EGD-discu] point médian vs. point d’hyphénation]

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Houba,

Le Fri, 16 Jul 2021 19:23:39 +0200, A2 <a2line@xxxxxxxxx> a
écrit :

> Sauf que tout est en anglais…

Il existe peut-être des traductions de ces articles, je sais pas.

Mais en parlant de l’anglais, je trouve le cas de cette langue
vraiment emblématique. Puisqu’il s’agit d’une langue très peu
genrée, le problème du masculin par défaut se résume quasiment
aux pronoms.

De la même manière qu’en français, les militants féministes font
la promotion de l’écriture inclusive, en anglais ils font la
promotion d’étendre l’usage du pronom them, exclusivement
pluriel à la base, pour l’utiliser en tant que singulier neutre.

Sauf que c’est une mauvaise solution, de la même manière qu’en
français, mettre des points (qui /pour les cerveaux habitués au
français/ sont des signes de ponctuation) au milieu des mots,
c’est une mauvaise solution.

https://youtu.be/Aq2XboD-q_U?t=89

Pour résumer de ce que dit Monté, à un point assez reculé dans
l’histoire (plusieurs millénaires), le proto-indo-européen avait
deux genres :

1)
animé
inanimé

Ensuite le genre féminin est apparu :

2)
féminin
animé
inanimé

Progressivement l’ancien genre animé est devenu le genre
masculin :

3)
féminin
masculin
inanimé

Et dans certaines langues indo-européennes (allemand, russe,
islandais, latin, grec, etc), on a maintenant :

4)
féminin
masculin
neutre

En anglais, pour les pronoms singuliers ça donne :

féminin = she
masculin = he
inanimé = it

Il me semble donc (attention hypothèse perso, je suis pas
linguiste) que le genre inanimé it, c’est un reliquat du passé.
L’anglais a pas achevé sa transition d’un système à 2 genres
animé/inanimé vers un système à 3 genres,
féminin/masculin/neutre. Si c’est bien le cas, c’est un bon
exemple des problèmes de l’évolution par l’usage : ça encrasse
progressivement la langue avec des modifications qui sont pas
menées au bout, avec des incohérences et des exceptions, parce
que c’est pas planifié correctement.

Bref, que mon hypothèse soit juste ou pas, en anglais ils ont la
chance d’avoir un 3ème genre qui existe déjà. Alors rien ne les
empêche de copier le système des langues avec
féminin/masculin/neutre. Donc en anglais, la solution au problème
du masculin par défaut, pour avoir quelque chose qui fonctionne
de manière logique, claire et efficace, c’est transformer it d’un
genre inanimé en un genre neutre.

Et donc… au lieu de proposer la solution efficace, les féministes
militent pour ajouter une énième ambigüité à l’une des langues
européennes les plus compliquées. Aujourd’hui on a la
linguistique pour nous indiquer qu’il existe une meilleure
solution, donc il y a aucune excuse pour continuer à complexifier
et rajouter des ambigüités aux langues maternelles, sachant que
ça aura des conséquences sur les enfants qui apprennent ces
langues.

Étant donné qu’il existe déjà un genre adapté pour devenir le
neutre, le pronom them devrait rester strictement réservé au
pluriel. Je vais même jusqu’à dire que si it existait pas,
faudrait le créer au lieu de détourner un pronom pluriel.
Et je me fiche que l’usage de them en tant que singulier
neutre est attesté depuis plusieurs siècles. Tout ce que ça
démontre, c’est juste que cette mauvaise idée a germé il y a
plusieurs siècles. Quand l’évolution par l’usage donne un mauvais
résultat (dans ce cas, mauvais puisqu’il rajoute une ambigüité
inutile), s’obstiner à défendre ce résultat c’est une position
dogmatique. On pourrait appeler ça le culte de l’usage.

Devant le constat que « les féministes militent pour l’usage de
them en pronom singulier neutre », deux hypothèses : soit ils
savent pas que it est une meilleure solution, et dans ce cas
il y a bien un problème d’ignorance du sujet. Soit ils le savent
mais s’en fichent de rajouter une ambigüité inutile… Je sais pas
ce qui est pire.

> voilà un très beau texte du philosophe français Jean-François
> Revel qui fait très bien la part des choses

C’est un texte intéressant.

Cependant, après ce que je viens de dire, ça surprendra personne
que je sois en désaccord avec ce passage :

> Une langue bouge de par le mariage de la logique et du
> tâtonnement, qu’accompagne en sourdine une mélodie originale.
> Le tout est fruit de la lenteur des siècles, non de
> l’opportunisme des politiques.

La fonction première d’une langue c’est, ou plutôt ça devrait
être, de permettre les échanges entre les gens de la manière la
plus facile et la plus fluide possible, et en laissant le moins
de gens possibles sur le bord de la route. Malheureusement cette
fonction d’échange et… d’inclusivité, cette fonction est mise à
mal par toutes les saletés qui s’accumulent au cours de
l’évolution d’une langue naturelle.

Et ces saletés (règles incohérentes, exceptions inutiles en
pagaille, etc) laissent des enfants dans le fossé à chaque
génération. Une recherche web à l’arrache me dit entre 3 et 10%
des gens sont dyslexiques. Et une partie de ce problème, c’est
parce que les langues ont évolué par l’usage.

Il est vraiment nécessaire de casser ce culte et de rationaliser
les langues maternelles qu’on apprend aux enfants. C’est un but
bien plus important que faire de la poésie sur « le mariage de la
logique et du tâtonnement, accompagné en sourdine une mélodie
originale, un mariage mûri par la lenteur des siècles ».

Malheureusement, beaucoup de linguistes sont dans le culte de
l’usage. Et par extension, les amateurs qui s’intéressent aux
langues sont aussi dans ce culte, puisqu’ils écoutent ce que
disent les professionnels du domaine.

Je précise au passage que j’ai pas l’intention de répondre à
ariasuni, parce que d’une part elle met en avant des arguments
auxquels j’avais déjà répondu, notamment l’idée qu’être contre
l’écriture inclusive c’est vouloir garder le masculin par défaut.
Répéter ça alors que j’y avais déjà répondu, ça me semble être
un procès d’intention.

D’autre part, dire « rejeter les formes inclusives c’est du
mépris pour les expérimentations féministes » et sous-entendre
assez clairement que c’est soutenir les inégalités femme/homme,
tout ça agrémenté d’un « ça m’intéresse pas de répondre à des
inepties répandues sur mon écran de manière condescendantes », ça
ressemble comme deux gouttes d’eau à ce que je disais : « chercher
à faire taire les critiques en disant si t’es pas d’accord avec
mon truc, c’est parce t’es réactionnaire ».

La langue c’est un bien commun, c’est pas la propriété d’un
groupe de militants. Quelque que soit la grandeur de leur cause.

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