Date: Thu, 24 Nov 2016 01:55:32 +0100
Subject: Modificateurs linguistiques
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# Salamaleks
Cela fait un bout de temps que je n’étais pas venu, mais qu’à cela
ne tienne, m’y voici donc.
# Conventions terminologiques
Modificateurs linguistiques : touches mortes qui permettent la saisie des
alphabets non latins (modificateur grec et cyrillique).
Mode linguistique : mode de bascule permettant la saisie
des caractères d’alphabets non latins par superpositions des caractères
homologues phonétiques. Le mode de bascule *fait partie* de la disposition.
Disposition linguistique phonétique : disposition permettant la saisie des
caractères d’alphabets non latins par superposition des homologues phonétiques.
La disposition linguistique phonétique est reconnue comme une disposition
indépendante par le système d’exploitation.
# Position
## Non-pertinence des alphabets autres que le grec en touche modificatrice
Je suis très étonné que l’adoption d’un modificateur linguistique
cyrillique ait été presque actée et adopté. Si je comprends parfaitement la
pertinence du modificateur grec, c’est parce que parler français c’est quelque
peut connaitre le grec. Les francophones sont parmi les rares à apprendre à
compter plusieurs fois. D’abord nous apprenons la suite (zéro), un, deux, trois ;
ensuite nous devons apprendre semel, bis, ter, quater, quinquies ; mais pour
peu que nous fassions de la géométrie ou de la chimie, nous apprenons mono, dis,
tri, tétra, penta, hexa. Sans compter que notre nourriture nous la pesons en
*kilo*gramme que nous allons chercher à *bi*cyclette. En revanche, dans notre
apprentissage de la langue française, nous n’avons pour la plupart jamais eu à
retenir la suite numérique nol, adin, dva, tri.
Les langues slaves et l’alphabet cyrillique font partie de l’environnement
culturel francophone, mais n’ont pas d’importance organique pour la langue
française. Je m’explique : excessivement rare sont les francophones qui ont
besoin d’inscrire ponctuellement un doblo (une lettre cyrillique, et je suis
certain que la majorité écrasante d’entre vous l’ignore) dans un texte par
ailleurs français et dont le sujet ne fait aucune allusion à la culture slave ni
à aucune langue cyrillique. En revanche, sans être hellénistes, ni même avoir
besoin de traiter un aspect de l’univers grec, nous avons besoin d’utiliser un
alpha, un oméga, un phi, ou un epsilon.
L’idée est que l’alphabet grec fait /un peu/ partie de l’alphabet français ce
qui n’est pas le cas du cyrillique. On peut en vouloir /un peu/ à un lettré
francophone de ne pas connaitre au moins quelques lettres grecques, mais jamais
il ne nous viendrait à l’esprit de lui reprocher sa méconnaissance du
cyrillique. Aussi, les seuls francophones à être intéressés par le cyrillique
sont littéralement ceux qui le saisissent massivement, autant dire que pour eux
le modificateur est complètement inutile.
## Intérêt de modes linguistique ou (inclusif) disposition linguistique phonétique
En revanche, ces derniers seront BEAUCOUP plus intéressés par une couche ou une
disposition à superposition phonétique. Qu’ils veuillent saisir des mots, ou des
phrases en cyrillique au milieu d’un texte en français (par exemple dans un
document pédagogique enseignant une langue slave [ou une langue non slave se
transcrivant en cyrillique] à destination des francophones), voir même, si ce
sont des utilisateurs réguliers du français qui doivent sporadiquement rédiger
en cyrillique (des personnes vivant dans des pays francophones et devant
correspondre avec leur famille en cyrillique, par exemple). Car enfin, il est
évident que saisir un texte à coup de modificateur est ridicule.
## Épilogue
Je ne vois aucune raison d’être au modificateur linguistique cyrillique en ce
qu’il ne convient 0) ni aux utilisateurs massifs ou sporadiques du cyrillique
qui ne s’en contenteront pas et ne l’utiliseront jamais 1) ni à ceux qui
n’utilisent pas le cyrillique et qui donc, par définition, n’utilisent pas le
cyrillique. Bref, c’est une touche qui ne sera pas utilisée dans les deux
cas de figure existants.
Personnellement, je plaide en faveur des modes linguistiques plutôt que des
dispositions phonétiques liées. Mais comme de toute façon, pour l’utilisateur
les deux reviennent un peu au même, je trouve quelque peut stérile la
distinction entre les deux. Quoique… je trouve un intérêt précis aux modes.
L’avantage à intégrer les alphabets non latins en tant que couche permet d’avoir
une seule disposition compacte. L’idée est que si l’on utilise bépo, c’est donc
que l’on est francophone. Or, si l’on est francophone, tout le nécessaire de
survie pour francophone — donc incluses les méthodes de saisie des alphabets
étrangers — doivent être à disposition immédiate du francophone.
## Priorité de l’arabe au russe
Enfin, je suis étonné que le cyrillique ait été
largement traité, son adoption semi-votée et pratiquement actée. Alors que dans
le même temps, dans le contexte francophone, l’alphabet arabe est autrement plus
important.
Et ce pour plusieurs raisons :
0) Le bépo est un clavier francophone et non
spécifiquement français or, de ce point de vue, la francophonie a une TRÈS large
intersection avec le monde arabe (je vous laisse comparer les deux cartes
alors qu’entre la Francophonie et le plus proche pays utilisant officiellement
l’alphabet cyrillique (en l’occurrence la distance non seulement géographique,
mais aussi symbolique et morale entre la France et la Biélorussie) existe un
hiatus comptant pas moins que l’Allemagne et la Pologne. Il existe à peine une
timide minorité francophone en Pologne, pays slave certes, mais d’alphabet latin
! C’est dire XD Sans vouloir faire de numérologie, avec le Tchad (11 631 456),
le Maroc (33 848 242), l’Algérie (40 400 000), la Tunisie (10 982 754), et la
Mauritanie (3 596 702), nous avons tout de même 97 millions de personnes vivant
dans un pays où l’arabe et le français ont tous les deux un statut officiel.
Alors qu’il n’en existe — à moins que je me trompe — aucun où à la fois le
français et une langue utilisant l’alphabet cyrillique ont tous deux un statut
officiel. L’intersection géographique entre les deux mondes est rigoureusement
un ensemble vide.
1) Sans rien nier aux interactions culturelles entre la francophonie et le
cyrillique, essentiellement à travers le monde russe et ukrainien, notamment à
XXe siècle ; il me semble que même pour les pays francophones non
majoritairement arabophones (en particulier la France et la Belgique) existent
des mouvements d’échanges culturels et sociaux beaucoup plus intenses qu’avec le
monde slave. D’abord du fait que l’arabe, lié à l’hébreu et aux études
bibliques, ai eu une grande part dans la culture classique d’un pays aux racines
judéo-chrétiennes. L’arabe dans ce qu’il est coutume d’appeler la « haute
culture classique occidentale » (et particulièrement française) était une langue
qui, bien avant les Croisades, avait sa place dans les bibliothèques savantes
et, dans son utilisation en diplomatie à initié le développement des drogmans
française qui a généré une massive documentation en arabe… Dans le contexte
beaucoup plus contemporain, la langue arabe sans forcément être connue, ni
parlée d’ailleurs, fait partie intégrante de l’univers culturel des francophones
d’Europe (qu’ils soient eux même d’ascendance maghrébine ou non). D’ailleurs,
une anecdote avait récemment défrayé la chronique avec un texte du musicien «
Black M » qui avait soudainement fait intéressé les gens aux subtilités de
l’arabe dialectal. Dans le même temps, on s’intéresse beaucoup moins au lexique
de la Perestroïka, de la Glasnost, des Matroska, ou encore des kolkhozes (hélas,
je dirais !)… Je m’avancerais peut-être un peu trop, mais j’ai l’intuition que
dans les fonds des Archives nationales de France, il y’a beaucoup plus de
documents en arabe qu’en cyrillique.
3) Enfin, je m’étonne que le sujet n’ait pas été abordé surtout parce que j’y
suis investi et que je l’avais développé, pris soin de le documenter,
l’expliquer et le travailler bien avant que les propositions sur le cyrillique
une nomenclature qui prévoyait d’éventuelles superpositions phonétiques pour
d’autres alphabets : bepo-<Code d’alphabet selon ISO 15924>_<Code de variante
nationale selon ISO 3166-1>_<Étiquette de la langue selon l’IETF>.
# Conclusion
Alors, comme je le dis, je ne nie pas l’importance de l’alphabet cyrillique au
sein du contexte francophone (et plus largement interlinguistique) et je
n’enclenche pas un concours entre les langues les plus proches culturellement du
français. En fait, je plaide autant pour la création d’un pilote pour l’un que
pour l’autre de l’arabe et du cyrillique ainsi que de leur intégration à bépo,
comme le montre d’ailleurs ma proposition à la v1.1 (qui intègre aussi l’hébreu
Simplement, je m’étonne que l’arabe n’ait pratiquement pas été traité depuis le
début. Et donc, bien que nous soyons en état de finalisation avancée, j’estime
le cas suffisamment important pour mériter une attention particulière. Mais de
toute façon, je le répète, il ne s’agit pas d’un concours. Je plaide pour des
modes linguistiques (ou des dispositions) pour chacun des alphabets arabe,
russe, et hébreu. La question de la priorité ne se pose pas.
# Diplomatie, politesse, bienséance…
Sur ce, je me rends compte d’avoir été un peut trop volubile avec ce pavé que je
viens de pondre (et je sais à quel point la liste de diffusion est déjà
encombrée), aussi vous remercié-je d’y avoir prêté attention :)