[EGD-discu] [AFNOR] Réunion du 10 avril 2018 : contribution du Pʳ Neuville citée par LeBret

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Le 11/04/18 17:49 Jean-Christophe Groult a écrit :


Durant la matinée M. Chêne a fait remarqué qu’environ 1000 commentaires n’étaient pas catégorisés. Il a été répondu que, soit ces commentaires avaient déjà été intégré dans la norme (et c’est le cas de certains), soit ils n’étaient pas pertinents (type « cette norme est du temps de perdu ») et c’est vrai également. Toutefois pendant la pause de midi, j’ai recherché des commentaires non classés et pertinents. Dans l’après-midi, après avoir traiter les restants des commentaires catégorisés sur l’azerty, j’ai mentionné les 3 exemples que j’avais trouvés : 2 concernant des erreurs (des caractères du groupe 2 placés par erreur dans le groupe 1) et un du Dr Yves Neuville ¹.
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¹ Pour ceux qui ne le connaissent pas, Y. Neuville est l’auteur de la toute première version de la norme ISO 9995 qui régit les claviers. Il a également dirigé la CN35 de l’AFNOR (la commission chargée des interfaces utilisateurs) pendant des années. En 1995 Il a également soutenu une thèse en ergonomie sur une proposition de disposition pour le clavier français. Durant cette thèse il a réalisé des tests utilisateurs en condition réelle et pendant 6 mois. On peut donc dire qu’il connait un peu le sujet.
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Suite à cet élément du CR, voici la contribution en question, diffusée avec l’autorisation du Pʳ Neuville, avec en prime la bibliographie prévue mais qui ne figure pas dans le classeur où l’on trouve la version en texte brut. Marcel

Contribution d’Yves Neuville

Docteur ès sciences, docteur en Informatique

Ancien Président fondateur du JTC1 SC35

Ancien Président du SC35 WG 1 sur les claviers ainsi que des comités Afnor correspondants

Contrairement à diverses affirmations, il y a eu de très importantes activités et expérimentations scientifiques dans le domaine de la normalisation des claviers tant sur le plan national pour la disposition AZERTY qu’international (série ISO/IEC JTC1 SC35 9995) et notamment de 1985 à nos jours avec le soutien de l’Afnor et de la DGLFLF.

Il est donc regrettable qu’une étude sous l’égide de l’Afnor, que j’ai eu l’honneur de mener en 1985, financée en partie par des fonds publics et donc par le contribuable, organisée par le Ministère de l’Industrie et l’Agence Nationale d’Amélioration des Conditions de Travail, n’est, contrairement à tous les usages, absolument pas évoquée dans les annexes et, ayant été publiée comme ouvrage, n’a même pas été citée dans la bibliographie. Or elle a réuni pour des observations et expérimentations méthodiques environ 300 professionnels de multiples activités et utilisateurs à différents niveaux de la bureautique et de l’informatique. Elle s’est déroulée sur leurs lieux de travail durant six mois pleins et selon les méthodes de l’analyse du travail. Elle a ainsi permis de dégager des propositions très précises d’amélioration des claviers bureautiques en France (AZERTY notamment) ou à l’international, et elle est en grande partie à l’origine de la série de normes ISO/IEC 9995.

De même, l’expérimentation nationale financée par le Ministère de l’Éducation Nationale et que j’ai organisée sous contrôle de l’Inspection générale dans 100 lycées volontaires de 1990 à 1995, comme ses résultats, n’apparaissent pas. Le MEN a ainsi décidé la fabrication et l’achat de 300 claviers Neuville expérimentaux. Les expérimentations rigoureuses, menées notamment avec chronométrage informatique au 100e de seconde et des observateurs sur chaque poste de travail, en ont permis une véritable exploitation scientifique. Ses conclusions m’ont ainsi donné matière à la rédaction d’une thèse de 350 pages, soutenue sous la présidence de Jacques ARSAC, Académicien des sciences, informaticien, avec comme rapporteur Jean-Claude SPERANDIO de l’Université Paris-Descartes, alors Président du Congrès mondial d’ergonomie IEA, et comme Directeur de thèse Michel CHEIN du LIRM. Cette thèse d’accès public n’est pas plus mentionnée, alors qu’elle a permis de vérifier à grande échelle l’efficacité opérationnelle des principes du clavier Neuville rationnel.

Or il se trouve que la disposition présentée par le projet pour le clavier AZERTY reprend de manière évidente les grandes lignes et certains principes fondamentaux du clavier Neuville rationnel, sans même le dire.

Sont notamment dans ce cas la première ligne de minuscules accentuées, le point en minuscule selon les recommandations chiffrées de mon livre, un peu partout des symétries mnémoniques en opposition pour la ponctuation, les symboles informatiques ou spéciaux, la touche monétaire, l’idée générale de conservation provisoire ou non de l’AZERTY modernisé pour tenir compte des nouveaux usages et faciliter les transitions, plus quelques autres éléments épars.

Mais il s’agit malencontreusement surtout d’une version de clavier Neuville limitée, réduite et très affaiblie du point de vue de l’efficacité et du confort de l’utilisateur car n’allant pas jusqu’au bout de l’ensemble des principes logiques ayant présidé à la conception originale.

En effet, le design du clavier Neuville complet a intégré totalement l’analyse du travail des utilisateurs. À partir de la constatation que 68% des erreurs de frappe venaient de la nécessité de changer de motion, tout a été fait pour l’éviter au mieux.

L’analyse fonctionnelle a permis, à partir des trois types d’activités bureautiques et informatiques principales, de regrouper trois modes de frappe permettant d’éviter le changement de motion, et de réduire de manière massive les efforts de mémorisation et de formation ainsi que les erreurs de frappe, principales causes de ralentissement en raison des corrections nécessaires.

Résultat, en traitement de texte on est en minuscules, la ponctuation usuelle y étant regroupée.

En comptabilité, finances, mathématiques, statistiques, les chiffres et symboles mathématiques sont en majuscules et on reste en Shift Lock.

En programmation on a une zone de regroupement à droite du clavier et on est en Caps Lock de façon à avoir à la fois symboles informatiques, lettres, ponctuation et chiffres en accès direct.

Grâce à cette logique, on diminue les efforts de mémorisation et la charge mentale, et on gagne massivement en vitesse, fiabilité et confort de l’utilisateur.

Par contre c’est un manque de logique et d’orientation claire qui caractérise le projet actuel et explique cette impression de saupoudrage hasardeux, notamment à main droite, pour tout y mettre. D’ailleurs une touche combinatoire pourrait diminuer positivement cette inflation de symboles et de motions sources d’erreurs supplémentaires (avec malheureusement 4 motions au lieu de 3) et faciliter la mémorisation.

En conséquence les insuffisances du/des document/s soumis à enquête publique, ses divers délais réduits à l’extrême, le manque de publicité claire sur sa préparation et sa diffusion, l’insuffisance et l’imprécision des documents soumis (quelquefois même inadaptés), l’absence d’expérimentation sur le terrain et de tests réels et précis, eu égard à l'importance nationale et internationale de la question, devrait incliner à une grande prudence dans une procédure d’adoption expéditive, opaque et quasi référendaire pour un tel sujet.

De plus, le document comporte de graves lacunes qui ne seront pas sans influence sur le statut et la qualité de la norme : absence de description du contexte historique dans lequel ce projet de norme s’insère, défaut de mention, d’analyse et de prise en compte des importants travaux menés en France et dans le monde sur le sujet qui sont tout à la faveur de l’Afnor, de la DGLFF et des grands ministères concernés.

À la différence d’un projet de norme ordinaire, ce document ne concerne pas un petit cercle de spécialistes. Il concerne les utilisateurs français de claviers alphanumériques, c’est-à-dire pratiquement tous les citoyens et citoyennes francophones. Son importance culturelle, économique et sociale revêt une dimension européenne et internationale considérable et représente une part positive de rayonnement pour notre pays.

Au vu de ce qui précède, il y a grand intérêt à se donner un délai supplémentaire d’au moins 6 mois pour améliorer le projet, combler les insuffisances de la documentation présentée, et permettre aux parties intéressées de s’exprimer réellement à l’occasion de réunions plus ouvertes, de tests en situation réelle et d’une consultation moins binaire. L’hypothèse d’une norme seulement expérimentale mériterait aussi d’être examinée.

J’en profite, n’ayant pas été associé auparavant malgré mes efforts en ce sens, pour indiquer bien sûr que je souhaite absolument pouvoir participer à la réunion de dépouillement et à celles de natures différentes à venir, être convoqué pour ce faire et pouvoir ainsi contribuer à une issue positive pour ce projet qui me tient à cœur.

Publications dans le domaine :

[1]      Yves NEUVILLE, Le clavier bureautique et informatique, éditions Cedic-Nathan, Paris, 1985, ISBN 2–7124-1705-4.

[2]    Yves NEUVILLE, Normalisation prospective des claviers et multilinguisme, actes du colloque Lexipraxi 90, A.I.L.F./M.R.T./E.N.S.T., Paris 1990.

[3]     Bernard CHAUVOIS et Yves NEUVILLE. Dossier interfaces homme-machine, la normalisation des claviers bureautiques, revue Normatique, N°60, Paris 1994.

[4]      Yves NEUVILLE, Étude d'un clavier informatique ergonomique. Thèse de doctorat, Université de Montpellier II, 350 pages, 1995.
Identifiant :
95MON2277.

[5]    Rapport technique ISO/IEC TR 15440:2005, Technologies de l’information — Claviers futurs, autres dispositifs d’entrée associés et méthodes d’entrée liées. Rédacteur puis Éditeur Yves NEUVILLE



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